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De la critique de la transhumance à sa promotion : les positions fragiles de Ousmane Sonko face à un problème politique inquiétant.

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La scène politique sénégalaise est marquée ces derniers jours par des vagues de transhumance des leaders de l’opposition vers Pastef. Empruntée au vocabulaire pastoral, la transhumance désigne la migration périodique des troupeaux à la recherche d’espaces de pâturage plus favorables. Transposée à la vie politique, elle renvoie à l’attitude de l’homme politique qui migre d’un parti politique auquel il appartenait au moment de son élection vers un autre parti, pour des intérêts personnels.

 Ce phénomène n’est certes pas nouveau au Sénégal, mais a été fortement décrié par le leader de Pastef, jadis opposant. D’ailleurs pastef avait bâti sa communication politique autour de la rupture systémique, c’est-à-dire impulser une nouvelle approche de la politique fondée sur les valeurs tel que le don de soi pour la patrie, la transparence, le renouvellement générationnelle.

Pour la transparence, que n’a-t-on pas dit ces dernières sur la gestion publique des différents régimes qui se sont succédé depuis 1960. Enormément de choses ont été révélées en terme de détournements, falsifications, mensonges. Que s’est-il passé pour que si brusquement, on passe d’une critique de la transhumance à sa promotion ? La transhumance pose un problème étique majeur.

D’abord, elle constitue une fuite de responsabilité. Quand des responsables politiques ayant occupé des fonctions politiques et administratives au plus haut sommet de l’Etat ne sont pas prêts à répondre de leurs actes et préfèrent se ranger du côté du pouvoir cela s’appelle une fuite de responsabilité.  Cette fuite de responsabilité remet en cause la transparence et l’égalité face à la reddition des comptes tant prônée par le régime en place. Il y a une préoccupation majeure quant au sort des transhumants cités dans des dossiers de détournement de ressources publiques, de corruption… ce phénomène cultive et entretient l’immoralisme en politique.

Ensuite la transhumance fausse le jeu de l’équilibre des forces politiques indispensable dans toute démocratie. La démocratie repose sur jeu de l’équilibre des forces politiques, c’est-à-dire une majorité qui gouverne et une opposition qui doit servir de contre-pouvoir et de seconde alternative. Or, à ce rythme l’on a l’impression que s’opposer devient un risque. Beaucoup de Constitutions africaines tentent d’y apporter une solution juridique en prévoyant, par exemple, une déchéance automatique pour tout élu qui démissionne ou même qui est exclu, en cours de législature, du parti dont il a reçu l’investiture pour un autre parti.

Enfin la transhumance avilit aussi bien celui qui la pratique que celui qui en est l’instigateur. Elle pose le problème des valeurs, le sens de l’honneur et celui de la parole donnée. Elle rend illisible le jeu des acteurs politiques et renforce le mépris citoyen envers les acteurs politiques. Le problème qui se pose en comment expliquer que les pires adversaire d’hier deviennent les meilleurs amis d’aujourd’hui.

Comment Pastef compte-t-il donner sens à sa nouvelle orientation de changement le systémique en s’alliant et en recyclant les éléments de l’ancien système ? Comment arriver à la rupture pour une gouvernance transparente en donnant une nouvelle virginité politique à des responsables accusés d’avoir pillé les ressources de ce pays ?

Les interrogations sont nombreuses mais elles traduisent toutes le caractère répréhensible de la transhumance et les positions fragiles du leader du Pastef qui changent au gré des circonstances politiques.

Mamadou Hady DEME

Enseignant-chercheur en science politique

FSJP-UCAD

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