Depuis les coups d’État de 2020 et 2021, le Mali vit sous tutelle militaire. Cinq ans plus tard, l’horizon démocratique s’est refermé. En effet, les « consultations nationales » organisées fin avril préconisent désormais d’investir le colonel Assimi Goïta du titre de président de la République, pour un mandat de cinq ans renouvelable. Le tout, sans élection. « Le pouvoir en place se rend compte de l’usure qui l’affecte déjà. Les mobilisations efficaces en 2021, 2022 et 2023 ne fonctionnent plus », analyse Oumar Berté, avocat et politologue malien. « Ils ont tenté de réactiver des mobilisations populaires comme on a pu le voir récemment au Burkina Faso, notamment après l’incident avec l’Algérie mais cela n’a pas pris. La dynamique a changé. »
Une démocratie sous contrôle
Pour prolonger leur règne, les autorités brandissent l’argument sécuritaire : pacifier le Centre et le Nord, toujours en proie aux coups de boutoir des groupes armés, justifierait le gel du calendrier politique. Mais derrière la rhétorique sécuritaire, c’est un projet de confiscation du pouvoir qui s’esquisse. « Ils savent qu’il leur faudra tôt ou tard organiser des élections pour restaurer une façade de légitimité. Mais dans les conditions actuelles, ils n’ont aucune chance face aux partis traditionnels – à moins de truquer les règles du jeu », relève Berté.
La stratégie est claire : neutraliser l’opposition pour rebattre les cartes. À commencer par la dissolution des partis existants. Depuis l’arrivée des putschistes, le paysage politique malien s’est atomisé : plus de 300 partis sont officiellement recensés, dont une centaine a vu le jour ces dernières années. Une effervescence trompeuse, orchestrée depuis les arcanes du pouvoir. Car derrière cette floraison soudaine, une logique de verrouillage se dessine. Alors que les formations historiques sont promises à la dissolution pour leur supposée compromission avec l’ancien régime, la création de nouveaux partis obéit à des critères aussi drastiques que dissuasifs : une caution de 100 millions de francs CFA, une implantation nationale couvrant au moins deux tiers du territoire, et l’interdiction formelle d’impliquer toute figure religieuse ou coutumière.
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