Depuis quelques semaines, le théâtre de Nairobi résonne de tirades presque oubliées: 45 ans après avoir été interdite et ses deux auteurs – dont le célèbre Ngugi wa Thiong’o – emprisonnés, la pièce la plus connue du Kenya fait son retour au pays.
La dernière représentation de « Ngaahika Ndeenda » (« Je me marierai quand je veux ») sur le sol kényan remontait à 1977, interprétée par des ouvriers et paysans de la ville de Limuru, dans le centre du pays. La pièce n’aura été jouée que quelques semaines.
L’écho rencontré par ce récit évoquant l’exploitation des Kényans ordinaires par l’élite politique et économique du pays a déplu aux autorités, qui ont rapidement interdit la pièce et l’ensemble de l’oeuvre de Ngugi wa Thiong’o. L’écrivain et le co-auteur de la pièce, Ngugi wa Mirii, ont été arrêtés et emprisonnés.
Après un an dans la prison de haute sécurité de Kamiti, Ngugi wa Thiong’o est libéré.
Mais « ils (le gouvernement) m’ont ensuite pratiquement interdit d’obtenir un emploi », raconte-t-il à l’AFP dans une interview depuis la Californie, où il s’est exilé.
Il est revenu au pays en 2004, après que le Kenya a pris un virage démocratique, mais son séjour a tourné court.
Quelques jours après avoir été acclamé à son arrivée à l’aéroport, des hommes armés l’ont passé à tabac et ont violé sa femme dans leur appartement de Nairobi. Il n’a jamais été établi si cette attaque était un cambriolage violent ou si elle avait d’autres motifs.
« La pièce a eu toutes ces conséquences sur ma vie (…) Ma vie ne me laisserait pas l’oublier même si j’essayais », affirme l’auteur de 84 ans.
– « Expérience spirituelle » –
Né en 1938 dans une famille nombreuse de paysans du centre du Kenya, le plus célèbre écrivain du pays – et régulièrement pressenti pour le Nobel de littérature – a d’abord écrit en anglais.
Sa décision dans les années 1970 d’abandonner l’anglais au profit de sa langue maternelle, le kikuyu, a assis sa réputation d’écrivain engagé dans la défense des langues africaines.
